
Vous êtes dans de beaux draps! Ce n’est pas ce que
vous croyez… Vous êtes dans de beaux draps achetés avec amour à la « lingère » votre boutique favorite.
« Tournez à droite! »
Vous qui dormiez du sommeil du juste, vous voilà soudainement réveillée par une voix étrange.
« Tournez à droite », répète la voix sépulcrale.
Plutôt, vous tournez la tête à gauche, et surprenez l’homme de votre vie, sagement allongé à vos côtés, (Surtout, ne riez pas. Ce n’est pas le moment de passer vos impressions ou de vous moquer de votre pilote) les yeux plongés dans les pages d’utilisateurs de son nouveau GPS (global positioning system) le géolocalisateur par satellite.
Vous ne vous doutiez pas, en offrant ce joujou à votre chauffeur désigné (désigné : celui du groupe à qui l’on interdit de boire, devant reconduire les fêtards après la soirée) que vous ne seriez plus jamais seuls dans votre voiture. Qu’il y aurait l’Autre, la troisième qui vous tape sur les nerfs, et vous empêche d’écouter ce qui se passe dans votre monde à l’heure du bulletin de nouvelles.
L’Autre, l’impeccable. Celle qui ne perd jamais patience, qui n’élève jamais la voix. Celle qui vous indique le droit chemin, le plus court, le plus rapide. Celle qui vous évite de perdre le nord. Bref, l’Autre avec un grand A.
Ont bien raison, ceux qui claironnent que la technologie remplace l’humain. C’est exactement ce qui vous arrivera.
L’Autre prendra votre place. En voiture, vous serez désormais un ménage à trois.
Hier encore, assise à droite de votre chauffeur, vous ne pouviez éviter de lui dire quoi faire et où aller : « Tu devrais prendre ce chemin. Tourne ici tu gagneras du temps. Emprunte la voie de gauche il y a moins de circulation. Attention! Dommage tu as raté la sortie »
Grâce à la voix de votre « grand penseur suprême », c’est ainsi que l’on a pastiché le sigle GPS, vous n’aurez plus à jouer le copilote. Du coup, les cartes routières et leur démesure n’encombreront plus votre coffre à gants.
Vous profitez d’un moment de répit chez votre étudiant en géolocalisation par satellite (toujours allongé à votre droite) pour annoncer votre rendez-vous chez la couturière. (N’étant pas du type Carla Bruni, l’aimable dame a raison, « Un vêtement exige toujours quelques petites retouches »)

« Si tu m’accompagnais, munis de ton GPS, nous pourrions comparer le trajet que je prends habituellement et celui que la bestiole nous propose?
Proposition acceptée à l’unanimité. Une heure plus tard, le ménage à trois se met en route. Comme l’avait proposé fiston, adepte de nouvelles technologies : “madame tiendra le volant pendant que monsieur se familiarisera avec l’outil. Les yeux rivés sur l’écran et non sur le paysage, l’Autre, l’insupportable voix d’outre-tombe se désâmera à vous garder dans le droit chemin.
Le temps de monter dans la voiture, de brancher le GPS, d’inscrire, une lettre à la fois, l’adresse de votre destinataire, (fonction de l’accompagnateur) que la carte routière apparaît sur l’écran et que la voix se met à faire des siennes.
Comment a-t-on pu rouler, jusqu’à ce jour, sans cet indispensable trésor? La question demeure sans réponses.
Vous allez même jusqu’à vous féliciter de l’avoir offert à votre septuagénaire le matin de son anniversaire, vous rappelant qu’un jour, sur un parcours de golf classé PGA, votre voiturette était, elle aussi, munie d’un GPS, et ce, au grand enchantement de votre Tiger Wood.
Une voix de Pro vous indiquait, à chaque tertre de départ, la distance que votre petite balle chérie aura à parcourir pour atterrir sur le vert. (green pour les cousins) Démoniaque la nouvelle technologie, pensiez-vous.
Revenons à notre couturière. Vous connaissez le chemin par cœur. Vous y allez les yeux fermés. Vous pourriez jurer que votre circuit est le plus rapide et le plus court qui soit. Faux! selon le GPS. Déjà à la deuxième intersection, l’Autre du ménage à trois, vous ordonne de tourner à droite, direction boulevard Labelle puis, à 500 mètres de tourner à gauche, direction boulevard Saint-Martin. Vous n`êtes absolument pas d’accord. Pourquoi ce détour?
Voilà que le copilote s’en mêle vous suggérant de suivre ‘aveuglément’ les indications transmises. Le but n’était-il pas de comparer vos façons de vous rendre à destination?
Sur le point d’arriver aux 500 mètres, l’Étrivante revient à charge : virez (cette fois on ne tourne pas on vire) à gauche, roulez quatre kilomètres et prenez la bretelle en direction de l’autoroute 15.
« C’en est trop! As-tu inscrit la bonne adresse? J’ai l’impression que nous allons dans la mauvaise direction?’
Votre ton monte passablement et indispose le copilote. Il y a des doutes et des remarques que vous ne devez jamais exprimer sans quoi vous risquez de voir débrancher à jamais l’objet de vos tourments.
Soit dit en passant, les propos que vous tenez envers l’Intrus dépassent les entendements et ne s’écrivent même pas.
‘Mon amour! (pour vous calmer) il te fait prendre le chemin le plus rapide ose affirmer votre arbitre en accord avec son GPS’
En plus (le mon amour), donne raison à votre rivale, pensez-vous.
Pendant que vous roulez à 120 km sur la troisième voie de gauche sur l’autoroute 15 (vous demandant toujours pourquoi vous en êtes là) la sorcière vous avise calmement qu’à 700 mètres, vous devrez prendre la bretelle à droite, direction autoroute 40 Est, puis rouler 5 km sortie direction rue Valéry. Arrivée à 250 mètres, elle vous rappelle de prendre la bretelle. Vous roulez toujours à 120 km tentant désespérément de vous frayer un chemin et traverser de la voix de gauche à la voix de droite pour rejoindre la fichue (pour ne pas dire autre chose) bretelle.
‘Roulez 5 km direction rue Valéry’ répète l’espèce de perroquet, au moment de quitter la bretelle « puis tournez à droite. » (Comme si vous n’aviez pas compris la première fois.)
« Virez à droite, »’ insiste votre rivale, « ‘puis à 200 mètres virez à droite sur la rue des Lilas, puis à gauche sur la rue Fleury. Vous arrivez au 2650 rue Fleury. »
Vous reprenez votre souffle et retrouvez votre bonne humeur. Tournant la tête, affectueusement, du côté (le droit) de l’homme de votre vie, comme si rien ne s’était passé, vous trouvez le ton convainquant et convaincu pour déclarer que « l’on a beau dire et beau faire, un GPS, c’est véritablement une bonne affaire.