Un jour, Cindy, ma fille, me fit parvenir ce texte intitulé : « De la plume d’oie à GOOGLE DOCS » signé Nelson Dumais et publié dans le numéro de « Direction informatique » du 30 septembre 2008. L’auteur jette un regard sur l’évolution des outils d’écriture.
Le week-end prédispose à la lecture. En ce samedi torride et ensoleillé, je vous le propose à mon tour.
Du texte manuscrit aux applications de traitement de texte en ligne, beaucoup d’encre a coulé.
Longtemps, il y eut la plume. Les auteurs grattaient leurs idées sur le papier, les raturaient, les ornaient de pattes de mouche, puis transcrivaient tout au propre et expédiaient le manuscrit (litt. « écrit à la main » à leur éditeur. Il s’ensuivait une version typographiée et imprimée qui avait le mérite d’être plus facile à lire, mais le désavantage d’être définitive. Sauf exception, on ne touchait plus au texte une fois le livre mis en circulation : on assumait les perles et les raisins.
ZOLA
En homme de son temps, l’écrivain journaliste Émile Zola changea cette façon de faire. Comme c’était une pratique courante dans la seconde moitié du XIXe siècle, il publiait la plupart de ses romans en feuilletons, ce qu’il considérait comme étant un « premier jet » d’écriture. Il se retrouvait ainsi avec une « copie de travail imprimée » beaucoup plus facile à manipuler. Il découpait en effet la page du journal et se lançait dans les frais de correction : suppression de répétitions, ajouts de personnage, réécriture, etc. Une fois ce travail technique terminé, il remettait le résultat à son éditeur et un livre plus « définitif » était publié.
Plus tard, il agira de la même façon avec les épreuves finales pour les éditions en librairie. « Si ma copie ne porte pas toujours beaucoup de ratures, mes épreuves par contre en sont criblées. Aussi, mes manuscrits ne doivent-ils pas être considérés comme étant les manuscrits réels de mes livres, puisqu’il m’arrive parfois d’apporter des changements considérables sur les épreuves. « La méthode Zola illustre l’impact de la mécanisation (en l’occurrence, la typographie) sur la qualité d’une œuvre, laquelle se retrouve mieux léchée, mieux resserrée, mieux découpé
NIETZSCHE
À la même époque, l’écrivain philosophe Friedrich Nietzsche pousse le modernisme une couche plus loin. En 1882, aux prises avec des problèmes ophtalmologiques majeurs, il s’acheta une machine à écrire Malling-Hansen et appris à s’en servir les yeux fermés (de toute façon, il fallait retirer la feuille de la machine pour voir le fruit de ses efforts). Comme résultat, sa prose devint plus serrée, moins verbeuse, plus télégraphique.
Quand on lui en fit la remarque, l’auteur de « Ainsi parla Zarathoustra » répondit : « Vous avez raison, l’équipement utilisé en écriture influence la mise en forme de la pensée ». Précurseur bien involontaire dans la mécanisation du travail de plume, il venait de démontrer pourquoi les machines à écrire devinrent l’outil d’écriture par excellence durant les cent années suivantes. On a tous l’image D’Ernest Hemmingway avec sa Rémington portative. Non pas que la dactylographie allait tellement plus vite que la calligraphie, elle rendait simplement plus concise l’expression de la pensée, sans compter qu’il s’ensuivait des « manuscrits », des « brouillons », plus faciles à corriger, à bonifier, et moins difficile à lire.
À suivre : Écrire à la machine