ces gestes qui ont une âme…

L’esprit du Temps des Fêtes est en train de se tailler une place de choix ces jours-ci. Les pieds dans la neige et la tête dans le vent, notre arrière-petit-fils qui a célébré son treizième anniversaire de naissance ce 25 novembre dernier, nous informe fièrement que son école participe à la fabuleuse levée de fonds dans le but d’illuminer le traditionnel et gigantesque arbre de Noël de l’hôpital Sainte-Justine de Montréal. D’un même élan, il précise aussi que les élèves de sa classe y participe s’étant donné pour objectif de récolter 400,00 $ ajoutant fébrilement avoir déjà doublé la mise et récolté 840,00 $. Et ce n’est pas terminé, précise-t-il d’un ton de vainqueur.  Encore 3 jours pour atteindre l’objectif et du fait contribué au succès de leur école.

L’information ne tombe pas dans l’oreille d’une sourde. Au contraire, elle éveille en moi des heures d’allégresse et de réjouissance.  Coïncidence émouvante . Le geste posé par Julien rejoint celui que posait , il y a des lunes, l’arrière-grand-mère que je suis devenue.  Grâce à mon arrière-petit-fils, je revis des moments inoubliables et touchants.  CHANGER DES LARMES EN SOURIRES – MARIONNETTES À DOIGT- HÔPITAL – SAINTE-JUSTINE.

Je me dis : ce temps des fêtes est propice.  Il faut que je vous raconte ma belle histoire truffée de gestes héréditaires qui se perpétuent dans le temps, gestes rassembleurs qui illuminent une qualité de vie, gestes qui auront à jamais ses raisons d’être.

En 1977, dans les pages de la revue Fermières: volume 3, numéro 2, que je dirigeais depuis les années 1974, j’invitais les lectrices de voyager avec leurs enfants et petits-enfants au pays des merveilles de la lecture, en leur racontant par exemple, l’histoire de Boucledor et des trois-ours à l’aide de marionnettes que l’on glisse comme de petits dés à coudre au bout des doigts.

Début d’une histoire fabuleuse

Quelques mois plus tard, je reçois une lettre de la secrétaire de Leucan (Association de parents d’enfants atteints de leucémie ou d’une autre forme de cancer). La lectrice en question trouve l’idée géniale et me fait part de son besoin pressant de marionnettes. Pourquoi des marionnettes? Voilà la réponse : « Les enfants atteints de leucémie ou d’une autre forme de cancer doivent, pour la bonne marche de leur traitement, se présenter de façon répétée au centre hospitalier pour un prélèvement sanguin. On leur fait des prises de sang au bout des doigts et ceux-ci deviennent douloureux. Pour alléger et rendre agréable cette étape quelquefois traumatisante, on chapeaute leur petit bout de doigt d’une marionnette souriante. L’enfant la reçoit gratuitement, elle devient sienne ».

LA DEMANDE DE LEUCAN ME VA DROIT AU CŒUR!

Je lance aussitôt ce message à nos lectrices. «Confectionnez des marionnettes et participez à une œuvre profondément humanitaire ». Des groupes se forment ici et là. Des Associations emboîtent le pas et suggèrent à leurs membres de répondre à l’invitation.  L’idée de confectionner, de tricoter, de crocheter des marionnettes envahit le Québec et rejoint d’autres Provinces.  De mois en mois, les marionnettes se font de plus en plus jolies, attrayantes, attachantes.  On ira même jusqu’à offrir des modèles de personnages de la crèche et de son Jésus. Leucan est comblé et reçoit par centaines ces petites merveilles qui changent les larmes en sourires.  L’œuvre humanitaire associée aux marionnettes à doigt occupe une place prépondérante dans le cœur des Cercles de Fermières du Québec. 

50,817 MARIONNETTES changeront des larmes en sourires, peut-on voir sur la page couverture de la revue Fermières -décembre-janvier 1986, volume 12 no 1., en hommage aux membres des Cercles. À l’intérieur de ses pages, on peut y lire le chaleureux et éloquent message provenant de la présidente provinciale élue depuis les années 1980 et adressée à ses membres.  

Dans le cadre d’un événement spectaculaire tenu au Salon de l’Agriculture et de l’Alimentation, après avoir été exposées aux visiteurs, les 50,817 marionnettes sont remises à Leucan avant de retrouver les petits doigts timides des enfants atteints de cancer.

« De la taille d’un dé à coudre, et pourtant… les marionnettes à doigt changeront toujours les larmes en sourires » Commentaire transmit de Leucan qui fait chaud au cœur.  

Bravo Julien, en ce temps de générosité, ton geste me touche profondément.

LES FRUITS DE L’AMITIÉ

Connaissez-vous ces fruits mystérieux qui se conservent indéfiniment à condition de les partager avec parents et amis?
Cette culture est originaire de Kirby, au coeur de l’est du Texas. La coutume veut qu’ils nous soient offerts par quelqu’un qui nous affectionne et, qu’à notre tour, nous les offrions à quelqu’un d’autre.
Si vous n’avez pas eu le bonheur de vous faire offrir ces fruits de l’amitié, voici ce que je vous suggère:
Formule de départ pour les « FRUITS DE L’AMITIÉ »

1 litre de cerises au marasquin 4 tasses
1 litre de pêches en conserve 4 tasses
250ml d’ananas en conserve 1 tasse
1,2 litre de sucre 5 tasses
450ml de Brandy 2 tasses

Placer les fruits et le sucre dans un très grand bocal de verre. Laisser reposer 1 heure en brassant toutes les 15 minutes. Ajouter ensuite le Brandy et mélanger à nouveau. Couvrir et placer dans un endroit frais pour une période de 6 à 10 semaines. Lorsque les fruits commencent à fermenter, (de petites bulles se forment) le moment est venu de commencer à incorporer aux deux semaines, sucre et fruits.
Aux deux semaines:
Vous ajouterez 250 ml (1 tasse) de sucre et 250 ml (1 tasse de l’un des trois fruits en conserve. On suggère d’alterner sucre et ananas, sucre et cerises marasquin et sucre et pêche. Brasser le contenu lorsque vous vous additionnerez le sucre et les fruits.
Utiliser un calendrier pour ne pas prendre de retard et s’assurer qu’aux jours indiqués, vous nourrissiez vos “fruits de l’amitié”
Lorsque vous aurez plus de l,4 litre (6 tasses) de fruits, vous diviserez le contenu en deux et c’est à ce moment que vous pourrez en offrir. Entretemps, vous en consommerez bien sûr.
Ne jamais laisser le contenu du bocal diminuer de moins de 700 ml. (3 tasses), sinon la fermentation s’arrêtera. On suggère de tracer une ligne sur le bocal pour s’assurer que le mélange soit toujours d’au moins 700 ml. (3 tasses)
Conserver le bocal de fruits dans une pièce tempérée. “Très décorative et agréable à la vue”. Couvrir celui-ci d’une soucoupe pour le protéger de la poussière. Ne pas utiliser de couvercle à cause de la fermentation.
Servir les FRUITS DE L’AMITIÉ sur un gâteau ou de la crème glacée. DÉLICIEUX!

Vive la chambre froide

Un dimanche frisquet et pluvieux.  Un temps de confiture, de visite à la chambre froide où on y trouve des trésors, des réserves…

Tenez, j’ai le goût de vous confier un secret. Justement, dans la mystérieuse chambre froide, à l’abri des regards, reposent trois jarres, d’un litre chacune,  de cerises dans l’alcool  90 %,  datant de 1998. Des cerises montmorency provenant du cerisier de notre jardin.  Le pauvre a rendu l’âme depuis et nous ne l’avons pas remplacé.

Vous imaginez bien qu’il fallait m’assurer que l’élixir (l’appellation est à peine pompeuse) brave le test de longévité. J’ai donc ordonné à l’homme de ma vie de fermer les yeux, d’ouvrir la bouche et de me faire confiance. Surtout confiance!

Wow! » s’est exclamé le fin goûteur, après avoir rendu le noyau de la cerise et bu la potion magique.

En me disant que j’allais offrir, à mes invités de la Parentèle qui aura lieu bientôt, une dégustation de cerises dans l’alcool, j’ai aussi pensé à mes fruits de l’amitié.

En parlant de fruits de l’amitié, si vous souhaitez en offrir au temps des fêtes, il est temps de revoir la recette  sur ce blog. Voir cuisine  archives: toutes les archives  Soit dit en passant, les fruits se conservent parfaitement dans une pièce de la maison : cuisine ou salle à manger et sont décoratifs. Pour éviter d’avoir ces vilaines petites « mouches à fruits » ou autres insectes, qui tentent de s’introduire dans le récipient, vous déposez entre celui-ci et le couvercle une serviette de table en papier.  Mes fruits de l’amitié datent de 2006 et sont exquis. Selon la recette, j’ajoute des fruits et le sucre au besoin .

Ce sont ces petites spécialités de la maison, concoctées avec amour, qui suscitent la curiosité, créent de l’ambiance et de l’atmosphère, les jours de réception.

Un dessert Québécois pure laine

« On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a » aurait dit votre regretté beau-père qui a passé sa vie les doigts dans l’or, les diamants et pierres précieuses étant artisan-bijoutier.

Nous sommes samedi. Un samedi de ciel sans nuages, une journée propice à la paresse qui vous rappelle Diogène, philosophe Grec ayant vécu au 5e siècle av. J.C. selon la légende, il cherchait la sagesse dans le dénuement, vivant dans un tonneau et répétant au lever de beau temps: « Encore une belle journée et je ne pourrai pas travailler ».

Vous ne lésinez pas sur le sujet.

Le chant des oiseaux, la brise du matin, le bruissement des feuilles dans les arbres, la visite de Cachou, votre « petit-suisse chéri (Stratus tamia) de la taille d’une souris et oups, sans être dans un tonneau, vous sombrer dans le plus bienfaisant des sommeils.

Sur les douze coups de midi (midi le juste), vous clamez haut et fort évoquant « Palme » votre poème préféré de l’auteur écrivain et poète Paul Valéry. Palme que vous récitez tout bas, inlassablement, quand vous n’avez pas sommeil ou que vous souhaitez faire travailler vos méninges. Réveillée en sursaut, vous lancez à l’homme de votre vie un « il est midi qu’allons nous manger? Mon insolent reprend du tac au tac, midi le juste!, un bon dessert pourquoi pas? pourquoi pas!

Soudain, il se passe quelque chose. Un silence. Puis le ton monte. « J’ai une idée lancez-vous d’une voix viscérale. L’homme a l’habitude de vous entendre s’exclamer de la sorte. Il ne sursaute plus pour autant. Il attend tout bonnement que surgisse l’idée en question.

En moins de temps qu’il en faut, vous abandonnez votre fauteuil paradisiaque et les nombreux bruissements qui l’entourent pour vous diriger allèqrement vers votre comptoir de cuisine, (lieu béni des dieux pour les nombreux miracles cuisinés). Vous voilà à l’oeuvre.

En un rien, vous déposez soigneusement dans un joli plat de service les petits-fruits en saison. Il s’agit d’un casseau de fraises cueillies à l’île d’Orléans, pays de Félix Leclerc et des doux souvenirs de votre enfance. Vous y ajoutez un bon soupçon de crème fraîche de la région de Mon-Laurier située au coeur des Laurentides, puis vous réhaussez le tout de quelques savoureux bleuets du Lac-Saint-Jean, berceau du roman à grand succès de l’auteur Louis Émon intitulé Maria Chapdelaine.

Le divin plat est ensuite garni d’un filet de sirop d’érable produit d’une érablière du « Rang des Vents » donnant sur la Rouge, rivière tumultueuse comme il s’en trouve des centaines au Québec.

Invité à déguster votre dessert québécois « pure laine » votre adorable pacha s’incline majwstueusement devant la dame pour la remercier (vous) Ne perdant pas un instant vous ajoutez mélodieusement « on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a, mon amour. »

Faut que je vous raconte

Vous aviez raison,  il y a déjà deux ans de cela. C’était avant la pandémie, avant les confinements, avant les quarantaines, les éclosions, les dépistages, les vaccinations.

Bref, c’était avant…

Un jour, à l’arrivée du printemps, vous aviez observé le va-et-vient d’une corneille dans vos parages. « Si je tentais d’apprivoiser la demoiselle pour découvrir les secrets de ses comportements, l’observer de plus près »?   Ce n’est pas sa beauté qui la rend agréable à voir. La corneille a un petit quelque chose qui attire sans trop savoir. C’est sans doute l’oiseau le plus intelligent selon les critères de l’homme, dit-on. Vous devriez savoir!  Vous êtes entourée d’oiseaux: «Pic-bois», merles, mésanges, sittelles, juncos, chardonnerets fréquentent vos mangeoires. À chaque arrivée d’un printemps, vous hébergez vos mystérieux colibris qui repartent à l’automne.

Pour revenir à votre corneille préférée, elle répond dorénavant à l’appel que vous lancez à tout venant dès que vous apercevez l’oiseau noir juché sur la toiture de votre voisin. «Viens manger»,  vous répétez deux fois l’invitation, plutôt qu’une. Aussitôt, votre (Corvus brachyrhynchos  450g. environ) déploie ses larges ailes (envergure 84 -102 cm). Vol plané pour un moment, elle dépose ses impressionnantes pattes sur le bras de votre galerie toujours au même endroit.  Vous lui tendez un croûton de pain qu’elle déguste goulûment puis au revoir, elle repart vers ses petits.

L’année suivante, vous l’attendez patiemment.  Voilà ma corneille lancez-vous dans un cri viscéral. L’Homme absorbé dans ses calculs sursaute légèrement. Il n’en est pas à ses débuts.

Elle revient. Le cri revient aussi. La dame en noir et en beauté (il s’agit de la corneille) défiant sa lourdeur, se dépose agilement au même endroit, sur le bras de la galerie pour recevoir sa pitance.

Elle a répondu à votre appel (viens manger-2 fois). C’est bien elle. Aucun doute. La joie est dans l’air.

Nous voici en décembre 2021.

Vous, à cause de la pandémie, toujours aussi masqué que soit le fantôme de l’opéra, ne cessez de cligner de l’œil à force de porter le masque, ce que les mordus de la langue appellent le cache-visage qui vous blesse la paupière inférieure, vous  prive inlassablement d’ouvrir grandes les (mirettes) en parlant des yeux chez les copines blogueuses d’outre-mer.  

Les mois passent. Covid 19 tient tête. Et la neige a neigé, comme dans la chanson de l’adorable JP.Ferland. Les nuages sont revenus.  Vous avez l’âme à la poésie en dépit de la pandémie qui perdure.    

 Votre corneille d’Amérique de la famille des corvidés affectueusement surnommée la Comtesse fait partie du décor. Elle est même garante du territoire. De plus, elle garde un œil sombre sur le geai bleu aussi de la famille des corvidés qui se gave d’arachides en écailles, rien de moins, courtoisie de la dame de la maison (vous).

Perchée à portée de votre regard de lynx, vous serez bientôt témoin oculaire d’une sorte  de joute endiablée de la part de votre Comtesse. «Grand-maman tu charries un peu», murmurent gentiment  vos pitchounettes adorées.

Attendez que je vous raconte.

On se souviendra. La Comtesse perchée à la cime de votre majestueux chêne surveille au sol le déploiement de sa victime qui agrippe l’arachide, prend son envol,  se dirige tout droit vers le sous-bois à l’abri des regards y déguster le fruit de son labeur.

C’en ait fait! Dans un grand fracas d’ailes suivi d’une plongée en chute vertigineuse, votre corneille bien-aimée prend en chasse le gamin de geai bleu apeuré qui laisse du coup tomber son arachide au profit de la Mégère (votre corneille) qui s’en empare outrageusement. Le tour est joué et vous ne comptez plus le nombre de fois que la scène se répète.  

Songeuse, à quoi penses-tu demande l’homme de votre vie?

Quand l’après…

LE PIED DANS LES RACINES

Viens voir, vite, viens voir! lorsque vous insistez de la sorte, ce doit être qu’il se passe quelque chose à ne pas rater. Votre fidèle  (Entendeur, salut)  est  aguerri de vos «viens vite voir» n’en déplaise. Il s’approche tout doucement dans  la direction suggérée. Deux de vos adorables Pitchounettes (quatrième génération dans la tribu) l’une sept ans et l’autre bientôt quatre ans, sont assises dans l’escalier qui mène à l’étage,  observant scrupuleusement chaque photo de la tribu prise  rituellement au  fil des ans;  même jour, même heure et même circonstance,  le Noël et sa magie.

 Sans nuire à la concentration des petites, à leur curiosité grandissante, à leur besoin de savoir, de connaître, allant jusqu’à la surprise de  retrouver leur petite personne  ici et là au milieu des grands, lançant au passage un joyeux c’est moi. Regarde c’est moi dans les bras de papa.   

Et l’autre d’ajouter Regarde, c’est moi aussi, je suis là.  Et voici naître l’apprentissage de cet indispensable et indéniable sentiment d’appartenance. Ce besoin d’occuper un rôle, d’avoir une place parmi les autres. Un espace désigné au sein de la famille, de la tribu.

Puis, lentement le regard rejoint le petit doigt jusqu’à le poser sur le visage des uns et des autres et tenter de mémoriser que ce soit celui d’une tante, d’un parrain, un cousin des grands-parents; les prénoms s’imprègnent  dans la mémoire, les visages s’y fixent à jamais. Pas étonnant que les uns et les autres acquièrent des liens  de confiance, acceptent l’autre dans son entité, fraternisent, se découvre une identité. « Et si c’était çà  une  éducation par imprégnation qui se donne plutôt que par imposition?  Et c’est la meilleure, aurait sûrement ajouté cette merveilleuse collaboratrice à la revue des Fermières dont j’étais l’Éditrice et directrice à l’époque. Cette Femme d’exception que fut France Quéré, Théologienne, conférencière, Auteure de nombreux articles et livres dont La famille publié aux Éditions du Seuil.

Debout derrière vos deux admirables G4, ce mur pavoisé de  photos  ne vous a jamais paru aussi beau.  Dire que nous étions deux murmurez-vous. Votre Complice de mari d’ajouter: Et dire qu’aujourd’hui, nous sommes trente-et-un. Qui aurait pu penser…

Pourquoi ris-tu? demande l’Homme de votre vie

Du fin fond de vos entrailles surgit le plus spontanément du monde cette réponse sans compromis. Mon chéri! J’essuie donc je pense. Les yeux de l’homme ont soudainement atteint une démesure jusqu’alors insoupçonnée. Du jamais vu.

Ce qu’il ignorait?

Au petit matin, avant même de dresser la liste de vos multiples œuvres serviles dont est constitué l’ordinaire de votre journée, vous étiez déjà plongée dans votre Magasine favori, tout juste livré dans votre boîte aux lettres, vous proposant un Test affriolant intitulé:

Dans quel temps vivez-vous? Passé, futur ou présent

Question pour le moins intrigante qui capte votre attention, qui a le don d’éveiller votre curiosité, de vous éloigner de vos petits boulots, de vos corvées journalières, de vos blablablas inutiles et de succomber à la tentation et de vous demander pour sûr, dans quel temps vit votre adorable petite personne.  Ne sait-on jamais? D’après vous, y aurait-il un temps plus favorable qu’un autre?

Le temps de parcourir le questionnaire composé d’une cinquantaine de suggestions et de cocher celles avec lesquelles vous vous accommodez bien, celles qui rejoignent vos valeurs, votre façon de voir la vie, avouez que le résultat de l’examen en vaut l’effort.

À bien y penser, vous auriez pu demander à l’Homme, votre psy du dimanche, l’observateur compagnon, dans quel temps vit sa meilleure moitié. Dans le présent par sa façon d’agir, dans le passé, à ruminer les j’aurais dû, dans le futur, à rêver à ce que l’avenir vous fait miroiter.

À vrai dire, vous préférez contempler vos modestes semailles pointant leur fragile brin de vie vers le premier rayon d’un soleil matinal: ou bien, nourrir vos mésanges, sittelles et chardonnerets qui ne cessent de se coltailler autour des mangeoires ou alors, saluer votre biche familière au regard irrésistible, accompagnée de son Bambi, beau à faire damner le plus irréfutable chasseur, la saison venue. Ou mieux encore. craquer d’émerveillement en caressant du petit doigt cette merveille de la nature qu’est la minuscule grenouille (rainette verte) blottie dans le creux de votre main, grâce à Fiona, votre petite fille, en train d’apprivoiser sa grand-mère, tout en lui transmettant une part des connaissances acquises, quand ce n’est pas sa passion pour ce qui est de traiter et soigner les animaux.

Pourquoi je ris?  Le questionnement m’aura servi.

L’eau de Pâques

Pâques ne serait Pâques sans revoir ce Conte inédit d’Yves Thériault publié en 1976 et destiné aux lectrices de la Revue des Fermières.

Quand on avait mené le petit de la haute ville de verre et de béton vers les larges étendues vertes d’une lointaine campagne, on lui avait expliqué, presque mot à mot et sans le laisser digérer le nouveau savoir, qu’il trouverait à destination un homme vieux, aux cheveux blancs, doux et tendre, et que cet homme était son grand-père.

C’est mon père, avait dit la femme au petit, comme Charles est ton père tout autant qu’il est mon mari.  Tu ne le connais pas. Il n’est jamais venu à la ville et nous ne sommes jamais retournés chez moi depuis ta naissance.

Qu’est-ce que c’est un grand-père? demanda l’enfant.

Écoute bien, et comprends : c’est plus que ton père ou ta mère.  C’est quelqu’un de plus âgé que tu dois aimer et respecter.

Dès l’arrivée, le vieil Émery prit le petit et l’amena à travers ses domaines. Ce n’était là rien de riche ou d’immense ou d’impressionnant. Une simple ferme à l’ancienne, quelques vaches, des moutons, un vieux cheval pie, des poules et des oies dans la basse-cour et un grand potager.

Mais l’enfant n’avait vu de toute sa jeune vie que la ville implacable, les ciments et les asphaltes et restait songeur à regarder le vaste champ ou l’avoine aoûtée qui balancerait tout doucement un jour dans quelque faible brise.  Et il verrait avec des yeux émerveillés, toutes les bêtes, toutes les plantes et dans le petit verger à côté de la maison, les pommiers à la large tête, les fruits commençants à rosir.

Il dit seulement, alors qu’il était à côté du bon gros chien: Je n’ai jamais pensé qu’il y avait tant de choses. Et il caressait la tête du bon gros chien qui se fermait les yeux d’aise et d’affection.

L’enfant aurait demain huit ans. Il fréquentait une école sévèrement privée, à la ville, de haut coût et de moderne attitude. Il y apprenait des sciences bien avancées pour son jeune âge, mais il avait, disait-on, un cerveau remarquable, bien capable d’absorber ce qu’on osait y insérer.  Un jour, il serait un grand homme. Chacun, autour, s’ingéniait à atteindre pour lui ce but.  Il serait un savant, un roi de finance ou un haut-gradé dans les hiérarchies humaines.  Il serait bien au-dessus de tous.  (Était-ce pour ce faire qu’on avait si longtemps tardé à lui révéler son grand-père, l’humble ferme et les moissons odorantes? Qu’avait-on donc omis d’enseigner à cet enfant qui soudain parlait tout bas et semblait atterré par le grand silence bruissant et doux qui l’entourait…?)

Mais le vieil Émery feignait de ne pas voir le trouble de l’enfant.  Il l’amenait agacer le jars d’oie qui jouait au gardien des trésors en apeurant à la cantonade de sa voix aigre.  Et il l’amenait à la clôture regarder les vaches paisibles, le taureau important et le cheval aux flancs solides qui broutait en paix.

Tu vois disait le vieux, c’est ma richesse. Et mes amis aussi. Depuis que ta grand-mère est morte.

Morte? qu’est-ce que c’est?

(On ne lui avait même pas enseigné la mort. Seulement la puissance possible, et jamais la faiblesse fatale.)

Elle n’est plus là, dit Émery, prudemment. Elle n’y sera jamais plus.

Jamais demanda l’enfant. Pourquoi?

Je t’expliquerai plus tard.

Il montrait les bêtes

Elles m’aiment beaucoup. Elles me le disent.

Elles parlent?

Elles parlent à leur façon, dit le vieux. Il s’agit de les comprendre

Et tu les comprends, toi?

Oui

L’enfant était de plus en plus songeur. Il semblait pousser à bout toutes les ressources de son cerveau pour assimiler les choses neuves et innombrables qui étaient soudain devant lui et qu’il n’avait jamais soupçonnées auparavant.

Sa mère vint, inquiète et empressée. Et son mari derrière elle.

Je crois qu’il est fatigué, dit-elle. Laissons-le se reposer un peu. C’est un bouleversement pour lui.

Alors le mari prit le guidon de la chaise roulante et il poussa péniblement le véhicule sur le sol raboteux jusqu’au gazon de façade, sous l’omble d’un vaste saule.

Il est mieux à la ville, dit la mère à Émery.  Ici, il devrait être trop immobile. Chez nous, le béton est lisse, un autobus vient tous les matins pour le mener à l’école. Les autres enfants sont comme lui, en classe. Il n’est pas dépaysé.

J’avais, dit le vieux, un cheval boiteux qui aimait bien quand même se tenir avec les chevaux valides au pâturage.  Peut-être que personne ne lui avait dit qu’il ne fallait pas le faire.  Et l’homme pleura une larme qu’il essuya sans qu’il y paraisse. Et dès lors, il fit vœu de rechercher le miracle.

Il serait Pâques demain, renouveau, résurrection. Cela ne vaut-il pas une demande bien adressée?

Il fut donc soir et puis nuit agitée pour Émery, puis quand l’horloge à l’ancien timbre vibrant et envoûtant sonna la bonne heure, en bas dans la cuisine, alors que les parents citadins, drogués d’oxygène sans souillure dormaient bien creux au fond de leur sommeil, le vieil Émery se leva doucement, sans bruit, comme un esprit, enfila des vêtements, chaussa des bottes étanches et entra silencieusement dans la chambre de coin où dormait le petit. Il toucha l’épaule de l’enfant, insista jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux. Le petit inquiet, presque affolé, se redressa.

Qu’est-ce que c’est, dit-il? Qu’est-ce que vous voulez?

Ne dis rien, ne réveille pas les autres. Je t’emmène quelque part.

Il enveloppa l’enfant aux jambes inertes dans une épaisse couverture, le prit dans ses bras et descendit sans bruit avec lui. Il faisait encore noir.

J’ai peur dit l’enfant. Qu’est-ce que vous faites?

Il ne faut pas avoir peur, dit Émery, je suis ton grand-père et je t’aime plus que tout au monde.

Il n’y avait même pas de pâleur d’aube à l’horizon, mais le ciel avait un éclat différent, comme si, tout à coup, il avait été ,plus limpide, plus cristallin, et les étoiles avaient un scintillement vif, annonçant leur lente subjugation par le jour prochain.

Émery marcha rapidement, longea le pâturage des vaches et fut bientôt à un bosquet et derrière le bosquet, à un ruisseau affairé qui gambadait sur des roches. Là il posa l’enfant, toujours emmitouflé dans sa courtepointe sur un talus de mousse et s’accouda devant lui.

Écoute-moi bien, dit-il. Ce que je vais dire parle de miracle. Ta mère me disait hier soir que tu pourrais marcher un jour, si tu mettais toute ta volonté à essayer.

Je ne pourrai jamais dit l’enfant. Mes jambes sont trop molles. C’est fini.

Il n’y a rien de fini, dit le vieux. Il faut vouloir. L’enfant frissonna.

Qu’est-ce que nous faisons ici? Pourquoi m’avez-vous amené à ce ruisseau? Il fait froid.

Il y a le Bon Dieu dans le ciel, dit Émery. Et il avait un fils, Jésus qui a été crucifié et qui est ressuscité le matin de Pâques. Comme ce matin, mais il y a plus de deux milles ans. Et il est dit depuis ce temps, que si quelqu’un boit l’eau d’un ruisseau clair au moment où la première lueur d’aube apparaît, ses vœux seront exaucés. Regarde là, vers l’est.

Il y avait à l’horizon un infime trait de belle lumière rose, et comme ils regardaient tous deux, cette lumière se fit jaune. Dorée comme l’or le plus pur.

Alors le vieux prit la tasse d’étain accrochée à sa ceinture, puisa de l’eau et la donna à boire à l’enfant.

Fais le plus grand vœu de ta vie, dit-il. Il sera peut-être exaucé.

L’enfant but, les yeux fermés. Quand il eut avalé, il secoua lentement la tête.

Mes jambes sont encore moelles, dit-il. Comme elles le seront toujours. Il n’y a pas eu de miracle.

Mais le vieux souriait, benoîtement.

C’est selon, dit-il.  Il y a bien des sortes de miracles.

Il prit l’enfant et le ramena à la maison, jusque dans son lit, pour qu’il se rendorme.

Plus tard, alors que la famille revivait et que l’on s’était attablé pour le petit déjeuner, l’enfant dit soudain, d’une voix ferme.

Je voudrais rester ici plusieurs jours, dit-il, une semaine et plus encore. Je crois que mon grand-père m’aidera. Je veux apprendre à marcher de nouveau. Je sais que je peux le faire.

Qu’est-ce que tu dis ? dit la mère. Tu n’as jamais voulu essayer. Tu avais peur de tomber et tu pleurais. Maintenant tu veux? Qu’arrive-t-il?

C’est que, dit le vieux, dans votre ville, il n’y a pas de ruisseau, il n’y a pas d’eau de Pâques et dans vos écoles, l’on enseigne seulement les sciences et jamais la confiance.

Et au petit, il murmura.

C’est selon, je le répète, il y a bien des sortes de miracles.

Et ça tient du miracle! 

Ma tante, j’en suis là, et ça tient du miracle.  J’aime cette pensée exprimée par ma charmante nièce. Pensée qui frôle l’imaginaire et décrit merveilleusement bien les niveaux de joie, de bonheur ressenti. Ma nièce est soprano. Je l’adore dans Carmen, un rôle qui lui va à merveille. Nous étions sur FaceTime un dimanche du mois de février, le frileux et l’enneigé. Elle habite au bout du monde, lovée au pied d’un volcan endormi et moi en flanc de montagne, dans la neige et le vent.   

Puis, le temps passe. Nous voilà un matin de mars, le premier du mois. Pas encore le printemps mais bientôt la saison des sucres. La vie piétine pour ne pas tourner en rond comme le poisson rouge dans son bocal. Aujourd’hui l’homme et moi allons poser un geste important et prometteur, garant d’avenir.  Recevoir le vaccin contre le covid-19.  

Une confidence à propos du jour « Vaccination ». À la sortie de la clinique comme par hasard, des amis et nous deux éprouvions une sorte de fierté, de solidarité. Le sentiment d’avoir fait notre part pour freiner cette minable pandémie. Mission accomplie. Interpellés, nous devenions  adultes responsables et vaccinés.

On n’arrête pas le temps. Au fait, à quel âge devient-on vieux ? Murmure mon nonagénaire,  le jour où l’on se voit vieux, répond l’octogénaire que je suis.

Réajustant fièrement nos (masques sourire caché) bras dessus bras dessous, nous regagnons notre voiture pour retourner allègrement vers notre (restez chez vous) toujours aussi confinés depuis des lunes, même sans en entrevoir la fin, nous sommes allégés libérés et plus confiants. Cette vaccination portant une part d’inconnus est maintenant derrière nous. Pour l’instant. Que voulez-vous souhaiter de plus ?

« Avec ça, on a c’qui faut pour passer à travers ».avait lancé énergiquement la dame centenaire en train d’être vaccinée tout en jetant un regard vers la jeune infirmière. Chapeau!  Une résiliente, aurait dit sûrement Boris Cyrulnik, le penseur de la résilience. Auteur de (La nuit, j’écrirai des soleils).

Sur la route du retour, à perte de vue, il y a Tremblant, son village et ses paysages de cartes postales; sa montagne qui n’a jamais été aussi belle. Je pense à nos fougueux skis que l’on a mis en pause; aux intrépides raquettes dévoreuses de neige folle; les centaines de sentiers qui vous entraînent toujours plus loin, au bout de vos rêves, au bout des ailleurs; au bout de nulle part.

Au fil des heures et des jours qui se ressemblent, pour (regaillardir) l’interminable confinement des uns et des autres, il y aura les parents, les amis de l’autre côté de la fenêtre; il y aura la Tribu, ses photos prises sur le vif, les Messenger, les Zoom et les j’Aime qui s’émissent virtuellement dans nos vies pour réchauffer les solitudes, souder les amitiés et raviver l’esprit des retrouvailles et du bonheur tout court.

Le chop suey de la pandémie; pourquoi pas!

Après avoir succombé à la vue d’un gros caisson de fèves germées bien fraîches et croustillantes, du coup, vous pensez : « si je concoctais un bon chop suey comme dans le temps…  et d’une belle miche de pain tiède et odorant de votre dévoué boulanger?». Juste à y penser vous en avez déjà l’eau à la bouche.

Question posée, réponse trouvée. C’est à la suite de cette gourmande réflexion que vous décidez de vous mettre à la tâche et de cuisiner avec amour, votre tendre chop suey familial qui n’a rien de chinois, pas plus que le pâté chinois de votre mère.

Une fois de retour à la maison, sans perdre une seconde, repliée sur vous-même, pour ne pas dire à quatre pattes, vous sortez du fin fond de votre armoire préférée, et ce à l’étage le plus bas et le plus inaccessible, votre précieux Wok (fonte émaillée rouge flamme, signé Le Creuset) que vous chérissez, soit dit en passant.

Dans ce même Wok, vous y déposez un bon morceau de beurre ou de margarine, vous y ferez revenir 675 gr de bœuf, de porc ou de veau haché; selon vos préférences. C’est une question de goût ou de frigo en ces temps de pandémie. Une fois vos 675 g. de viande bien émiettée et légèrement cuite, vous ajoutez 2 tasses de céleri que vous aurez soin « d’émincer » en biseaux (obliquement pour avoir l’air quelque peu savante). Il en sera ainsi pour tout légumes de la recette. Suivront deux tasses  d’oignons rouge ou blanc ainsi que deux tasses de champignons frais.   Trois poivrons aux couleurs variées, trois tomates moyennes, une ou deux gousses d’ail finement pressées, poivre et sel et poudre de gingembre au goût.  Laissez mijoter jusqu’à ce que le tout soit légèrement cuit. C’est à ce moment que vous ajoutez vos adorables fèves germées.  Si le cœur vous en dit, allez-y aussi gaiement  avec une petite boîte  de châtaignes ou de pousses de bambou égouttées. Ou les deux pourquoi pas.  C’est enfin le moment d’y inclure vos 125 à 130 ml de sauce soja (soya) et secret des dieux: 50 ml de mélasse, que vous additionnez  pourquoi pas. La mélasse a le don de rehausser cette recette d’un petit je ne sais quoi!

Couvrez et laissez mijoter le tout  environ une trentaine de minutes.

Suggestion de l’hôtesse : Pour un repas décontracté de la saint-Valentin, servir à même votre Creuset rouge flamme. Dites-vous bien que la beauté de votre présentation en vaut la chandelle. 

Je reproduis cette recette chouchou pour mon amie Suzanne qui me l’a demandée. Quel honneur pour moi!

Bon appétit!