TREMBLANT ET SES COULEURS
SES SOUS-BOIS
FORRRRRRR SON GOLF À FAIRE DAMNER
Pour souligner la saison des récoltes, j’ai demandé, un jour, à la théologienne, France Quéré, auteure de nombreux ouvrages dont : Famille, publié aux Éditions du Seuil, de nous inviter à réfléchir sur la façon dont nous vivons le repas dans le quotidien.
Je vous livre sa réflexion.
Est-ce une infirmité ou une grâce? L’homme se nourrit trois fois par jour. Et comme rarement il se dérobe à cette obligation, trois fois par jour il lui est donné d’arrêter son ouvrage, de s’asseoir, de mordre dans des fruits agréables, et s’il n’est pas seul, de s’adonner aux plaisirs de la conversation. Je sais qu’il y a des peuples qui dinent silencieusement (même en pique-nique), comme les Danois, et d’autres, en Afrique, qui se réfugient dans la solitude pour manger, tant cette opération leur parait impudique. Mais ils sont des exceptions et cette petite assemblée, ces douces nourritures, ces voix qui se répondent apportent tous les ingrédients d’une fête peu dispendieuse, que peu d’entre nous tiennent à manquer.
C’est l’heure du petit déjeuner de l’Action de Grâces
Les femmes le savent, qui embellissent leur table avec du linge propre, des objets étincelants ou des fleurs, sans parler des plats bien composés en forme de rosaces ou de frises. Elles se félicitent secrètement d’être ainsi les organisatrices de ces modestes célébrations qui, sauf accident, mettront de l’allégresse au cœur de chacun.
Trop belle est l’occasion : ils sont là rassemblées, heureux d’être assis et de suspendre leurs obligations, prêts à porter à leurs lèvres les mets préparés; la table est le lieu où se disent, sur le ton badin, et sans abîmer la joie légère qui y fleurit, les vérités qu’on veut exprimer, les reproches lancés comme des « billevesées », si on le peut. Car c’est encore la meilleure façon de se faire entendre. On peut aussi y raconter des histoires un peu longues, commencées aux entrées et accaparant le plat de résistance. C’est d’ailleurs ce que faisaient les Anciens agrémentant leur repas par des récitals de chansonniers ou des récits de voyageurs.
Chacun s’exprime librement et sans demander son tour de parole. Il suffit «qu’un ange passe » : Il donne le droit au discours, à condition que l’on ne barre pas trop longtemps le passage à l’ange suivant. La spontanéité éclate, les fâcheries se défont, sous le contrôle
d’arbitres parfaitement neutres dans le conflit et qui font taire les belligérants s’ils crient. La mère ou quelque aîné veille au grain, et corrige à table les injustices sociales qui sévissent là comme ailleurs : le plus grand n’en finit pas de narrer sa journée, la cadette s’est servie la première, et le petit dernier a encore profité de l’inattention générale pour essuyer sa cuillère à la nappe. Tous ces délits sont patiemment jugés et sanctionnés, autant de fois qu’il faut. C’est une éducation par imprégnation qui se donne là plutôt que par imposition et c’est la meilleure! On apprend à faire des parts égales dans les mets et les mots et à se tenir soi-même avec le plus de modestie possible. Si quelque chose de spécifique se déroule à table, c’est à la fois la gaieté du rassemblement, la justice des parts égales que l’on y taille et les rites de la politesse, qui ne sont pas des conventions mais des convenances, puisqu’ils sont dictés par le souci de ne pas offenser le voisin avec une tenue grossière. Je ne sache guère d’occasion qui nous apprennent à mieux « traiter » notre prochain que le repas au sens littéral de ce verbe qui signifie anciennement « recevoir à sa table ».
Qui eût cru qu’il y avait un peu de décalogue dans les sauces et les fromages?
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Le rituel du repas, france Quéré, publié dans le magasine « Fermières » octobre 1990
SA TABLE EST MISE
L’INVITÉ SURPRISE
Il faut que je vous raconte.
Le temps est superbe. Nous roulons vers Cape Hatteras en Caroline du Nord, situé à 1,150 km de notre bercail. Vacances annuelles familiales. Nous roulons les yeux fermés (ou presque) obéissant aveuglément (l’expression n’est pas trop forte) aux indications de la voix sublime sortie des entrailles de notre GPS.
Vous vous souvenez de ce bidule de malheur (le GPS) qui me cassait les oreilles quand je roulais à 100 km heure (je dis 100 au cas ou un policier lirait ce blog) en pleine heure de pointe, sur l’autoroute, m’ordonnant de tirer à droite ou de tourner à gauche et puis, qui recalculait au fur et à mesure de mes égarements? Je l’aurais étripé à l’époque. Ce soir, je le vénère.
Il fait nuit. Plutôt que de sombrer dans le sommeil, alors que l’homme de ma vie le chasse, je m’adonne à l’étude des fonctions de cet amour de GPS. « Tiens regarde! Non! Il ne faut pas. Je vois qu’il y a un parcours de golf à 25 milles. » (Les kilomètres ne sont pas encore arrivés aux States). Le chauffeur émérite quitte la route du regard et se tourne vers sa passagère, balayant furtivement l’écran de son œil de lynx. Soit dit en passant, vous ne faites pas erreur en lisant “passagère”. Vous vous doutez bien que depuis l’achat du GPS j’ai été virée de ma fonction. Je n’ai plus à donner d’ordres au conducteur, la bouche mielleuse m’a remplacée.
— Si nous dormions ici, nous pourrions jouer au golf demain matin et reprendre la route vers midi? » dis-je, d’une voix un tant soit peu suggestive.
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— L’idée n’est pas bête, reprends, mon Tiger Wood du dimanche. Nous arriverons un peu plus tard et puis, après tout, le temps nous appartient. (C’est ce que disent les gens à la retraite.)
Dieu qu’il est philosophe mon golfeur.
Ma mère m’aurait dit le sourire en coin : « tu vois, ce que femme veut, Dieu le veut. » Grâce à notre divin GPS, à 8 h 30 pile, nous sommes sur le tertre de départ d’un splendide parcours.
Tout va bien jusqu’au moment où, dans un élan presque parfait, le pro frappe sa Callaway, 3.50 $ US. Le projectile fend l’air et se retrouve dans une rigole réservée à la croissance et à l’épanouissement de fleurs aquatiques.
Jamais au grand jamais, mon compagnon de jeu abandonnerait sa balle. Nous nous dirigeons donc vers celle-ci qui repose sous la feuille d’une magnifique jacinthe d’eau. Rien n’y fait. Il ne parvient pas à la retirer de son impasse. C’est là qu’il décide d’enjamber la rigole abondamment couverte de fleurs.
Attention! Ce qu’il ignore en posant le pied sur ce qu’il croit être la rive opposée, notre hypocrite de rigole est au moins deux fois plus large qu’elle en a l’air. C’est à cet instant que je vois le pêcheur de balle en train d’enfoncer lentement jusqu’à la ceinture.
Du coup, il faut voir mon scaphandrier s’agripper tant bien que mal à tout ce qui porte racines et branches pour remonter à la surface et finalement émerger de son bain de boue.
Dieu merci il est sain et sauf. Ce n’est surtout pas le moment de rire ou de me moquer bien que je ne n’arrive pas à refouler quelques petits éclats. Plus de la moitié de l’homme est couverte d’une épaisse boue brune, visqueuse et nauséabonde. Vous imaginez le spectacle? Heureusement, le saint patron des golfeurs veille sur lui puisque je n’ai pas mon appareil photo.
Coucou c’est moi la tête dans les nuages!
Un été rempli à ras bord. D’abord la Grèce et la Turquie avec ce qu’elles ont de merveilleux à nous faire voir, à nous raconter : Athènes, les Météores, Istanbul, le charme des iles de la Mer Égée. Une panoplie de merveilles en compagnie de nos deux pitchounettes, Rachel et Tanya. (Nos dix-huit ans) dix-sept jours inoubliables.
Les pitchounettes et les grands-parents
Puis, la mer, les dunes, la plage à Cape Hatteras en Caroline du Nord.
Patrick le photographe de la tribu
Douze sur dix-neuf de la tribu étaient là. Quelle chance pour des grands-parents! Quatorze jours d’éclats de rire et d’émerveillement.
La tribu des vacanciers
En août, retour au bercail et la grande folie. Un coup de cœur! Jamais je n’aurais imaginé qu’à mon âge (77 ans dans quelques jours) j’aurais eu un coup de cœur pour une maison de campagne. Je vous le jure, ce n’était ni un projet, ni un rêve longuement caressé.
Le refuge des cerfs
À quel moment est-on trop vieux? Vous vous souvenez? J’ai posé la question sur mon blog, façon de connaitre votre réponse, sans toutefois vous dire pourquoi je la posais.
Le Grillon heureux a répondu : « Tout dépend si ton rôle est d’être au service des autres ou si tu dois t’occuper uniquement de toi et de ta famille. Comme chef d’un état, je me poserai la question qu’a posée l’étudiant au candidat républicain. Et seul, en conscience, je me donnerai la réponse quant à soi- même, c’est au moment où tu ne fais plus de projets d’avenir, que tu te renfermes dans le passé. Tant qu’on dit et pense “Demain je ferai ci ou ça”, on reste en accord avec ce qui nous entoure. » Merci Grillon!
Durant des jours, j’ai eu la tête et le cœur en chamaille. À notre âge? J’ai relu pour la nième fois « la psychanalyse de la maison » de l’auteur Olivier Marc publié aux éditions du Seuil. Je voulais comprendre cet engouement, cette frénésie qui s’emparait de moi à l’âge ou je devrais « magasiner » un appartement dans une résidence de retraités J’ai aussi relu Khalil Gibran, le Prophète « parlez-nous de maisons »
Conclusion? .L’homme de ma vie et moi (la citadine de réputation) avons désormais pignon sur golf, le Géant, situé dans un décor enchanteur avec vue sur les pistes de ski du mont Tremblant. Les chevreuils viennent manger dans nos mains. Paradisiaque pensons-nous, attendant patiemment la première bordée de neige.
Nos nouveaux compagnons sur le golf
J’ai affiché à l’entrée le poème de Victor Hugo : NOTRE MAISON
Une maison petite avec des fleurs,
Un peu de solitude, un peu de silence, un ciel bleu,
La chanson d’un oiseau qui sur le toit se pose,
De l’ombre… Et quel besoin avons-nous d’autre chose?
Tout en fredonnant la très belle chanson de Jean Ferrat :… Que la montagne est belle, comment peut-on s’imaginer, en voyant un vol d’hirondelles, que l’automne venait d’arriver.
À la tombée de la nuit
À bien y penser, vivons en attendant de devenir trop vieux et, à la grâce de Dieu pour le temps qu’il nous reste.