« Fugit tempus », le temps fuit, s’exclamait oncle Léon, marchant allègrement dans sa neuvième décennie
Je me demande parfois : Qui du temps ou de l’humain, fuit le plus l’autre?
Je pense à Khalil Gibran : « Vous voudriez mesurer le temps, l’infini et l’incommensurable…Aujourd’hui n’est que le souvenir d’hier et demain, le rêve d’aujourd’hui ».
On ne fait pas que célébrer le temps, on le mâte aussi. Au cours du siècle dernier, on a formé une conscience pitoyable du temps, de sa valeur, de son pouvoir, de son emploi. On a poursuivi une course effrénée dans le but de magnifier le temps pour ensuite, le morceler en infimes nanosecondes, de façon à en posséder davantage pour mieux se le partager. Phénomène étrange! Avec tout ce temps gagné, voilà qu’on se retrouve les mains vides. On n’a jamais eu moins de temps. On a plus le temps.
Et chez les quelques mortels à qui il reste du temps, ô malheur, de peur de le perdre, eh bien! Eux, ils le tuent.
« Comme si l’on avait peur, peur de se retrouver face à soi-même et au silence », écrivait Jean-Louis Servan-Shreiber, dans son ouvrage intitulé « l’Art du temps » publié aux Éditions Fayard.
« C’est un problème généralisé », explique l’auteur. Il l’appelle le mal du temps. Pour le contrer, il nous propose de retrouver le sens du moment. « Faire, c’est très souvent une façon de ne pas sentir passer le temps. Le luxe serait de sentir passer le temps sans s’ennuyer ».
« Le temps est la matière première de notre vie, poursuit l’écrivain. Si nous le considérons comme une matière courante de consommation, une ressource insuffisante en quantité, notre vision est restrictive. »
Pour bien suivre la pensée de l’auteur, nous devons faire la distinction entre la gestion du temps qui consiste en une série de trucs et la maîtrise du temps.
Pour nous aider, il nous propose d’investir à chaque jour un moment pour réfléchir sur son temps, donc, sur sa vie et à ce propos, il nous conseille de remplacer le mot temps par le mot vie.
Puisque le temps est une question de taille, je m’empresse de vous dire bonne nuit en vous offrant cette pensée de Bourdaloue : « Il n’est rien de plus précieux que le temps, puisque c’est le prix de l’éternité ».