GRAND-MAMAN, QUE LIS-TU?

 

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Janvier 1986. Vous venez de recevoir « Une chambre à soi » — l’auteure du pamphlet : Virginia Woolf —, traduit de l’anglais par Clara Malraux. Un tout petit ouvrage. Rien qui ressemble à ces énormes briques à la mode, frisant aisément les quatre ou cinq-cents pages.

Le temps presse. Vous jetez un coup d’œil sur le quatrième de couverture puis, machinalement, vous remettez à plus tard la lecture en vous disant que le titre est bien loin de votre réalité : une entreprise, un mari, trois enfants, des relations professionnelles. Plutôt que de ranger respectueusement l’œuvre sur un rayon de votre bibliothèque réservé aux titres et auteurs qui retiennent votre intérêt – mais à lire plus tard – vous en faites part à C. votre compagne de travail qui s’y montre intéressée.

Août 2011. Vous voilà en train de fermer vos valises, destination « Cape Hatteras », Caroline du Nord. Comme d’habitude, au mois d’août, quinze jours de farniente : bord de mer, soleil, sable, plage à n’en plus finir.  Combien de fois avez-vous apporté une brassée de livres sans jamais oublier l’incontournable « Solitude face à la mer » de l’écrivain Anne Lindbergh. Combien ont été achevés de lire?

Cette fois, dites-vous, un bouquin, à la rigueur deux suffiront. Vous savez que vous n’aurez pas le temps ou si peu. Le roulement des vagues qui se fracasse à vos pieds, les coquillages aux multiples formes et couleurs, et puis, il y a la tribu,  presque entière, sur la plage avec ses châteaux de sable, ses « regarde grand-maman », ses cerfs-volants toujours plus hauts. Puis il y le salin de la mer au goût de dépaysement.

Mille six cents kilomètres plus tard, vous voilà sous votre parasol, les pieds enfouis dans le sable. Distraitement comme le sont les réflexes, vous saisissez le tout petit livre, à peine un doigt d’épaisseur. Qu’elle n’est pas votre surprise quand, en troisième de couverture, vous découvrez une annotation datée 9 avril 86. Vous ne l’aviez jamais vue encore moins lue. Elle s’adresse à vous.

Se peut-il? Le commentaire vous émeut, vous bouleverse. Vous retournez au cœur du livre pour constater que des phrases sont soulignées ou cochées dans la marge, que des coins de pages sont repliés. Pas possible! vous dites-vous, de ne pas en avoir pris connaissance avant cet instant.  Du coup, c’est comme si le livre était habité. Vous le refermez, vous le serrez entre vos doigts. Qu’a pensé votre amie devant cette horrible indifférence, lorsqu’elle vous a suivi du regard, retournant l’ouvrage sur son rayon sans même le feuilleter.

« Maman ne vous reconnaitrait sans doute pas » vous a confié sa fille médecin, il y a de cela quelques mois à peine.

Un quart de siècle plus tard. Il est maintenant trop tard. Elle vous entendrait, mais ne vous écouterait pas. Vous refermez le livre fixant la mer quand arrive par surprise; Tanya, Guillaume et Nancy.

« Grand-maman que lis-tu?

Ce n’est pas tant l’écrit de l’auteure qui importe en ce moment, mais la perte de celle qui a laissé sa marque, avec qui vous souhaiteriez échanger vos impressions, vos sentiments, commenter les réflexions de Virginia Woolf, être en accord ou désaccord; émettre vos points de vue comme vous l’avez fait des centaines de fois au fil des années.

Et, vous avez répondu à vos trésors : “Il faut que je vous raconte, non pas ce que je suis en train de lire — pourtant, ce serait opportun — mais ce qu’il m’est donné de vivre.”

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11 commentaires sur “GRAND-MAMAN, QUE LIS-TU?

  1. Bonjour Pierrette
    Il faudra du temps à tes enfants pour qu’eux aussi comprennent ce que tu as ressenti en tombant sur ces messages maintenant quasi-posthumes, alors qu’il y a 25 ans, ils étaient bien vivants, pleins d’une promesse d’échange avec ton amie. Un rendez-vous manqué ! Peut-être il y a t’il eu, en d’autres circonstances, d’autres échanges avec cette même amie qui pour elle, ont remplacé la réponse à ses lignes soulignées et ses pages cornées.
    Notre vie est remplie de ces communications entre personnes, l’une se souviendra toute sa vie de l’échange, l’autre l’oubliera presque.
    Tu as reçu sur cette plage ce livre pour la deuxième fois, et il va t’être cette fois infiniment précieux.
    Bises des grillons dans un matin encore frais avant la canicule provençale.

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  2. Coucou cousine !
    Aïe ! la douleur dans ton coeur lorsque tu as lu les commentaires de cette amie et le souvenir d’elle qui attendait que tu lises cela et sa déception tous ça doit se retourner dans ta tête et te donnes des regrets mais ne t’inquiètes pas de là-haut elle sait que tu l’as lu son livre et elle sourit ….
    Bonne journée à la plage , gros bizoux à vous deux Françoise!

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  3. La vie m’a appris qu’il faut savoir prendre le temps de regarder et d’écouter ceux que l’on aime
    trop pressée moi aussi dans ma vie je suis passée pres de personnes sans leur dire que le les aimais souvent les écoutant d’une oreille distraite
    Je crois aux signes que nous fait le destin et ce livre n’est pas revenu par hasard dans tes mains
    Il t’a permis de parler d’elle à tes enfants et de leurs dire regardez, écoutez, aimez prenez le temps
    Bon dimanche Bises à vous deux Brigitte

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  4. bonjour Pierrette
    Que de regrets et d’occasions perdues tout au long de notre vie, mais lorsque l’instant et le temps sont passés il ne faut pas avoir de regrets stériles ni de remords, c’est ainsi que l’être humain est imparfait, on ne peut bien souvent pas rattraper le temps perdu
    Nous ne pouvons pas communiquer nos expériences aux jeunes qui doivent affronter eux aussi leurs propres désillusions
    Bisous

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  5. Le temps, toujours le temps qui presse, puis l’oubli sur une étagère et voilà que bien souvent l’on passe à côté de ce que l’on aurait dû voir et s’y attarder.
    Merci de passer me faire un petit coucou.
    voici l’explication du miroir de l’eau à Bordeaux.
    Imaginé par le fontainier parisien Jean-Max Llorca et inauguré en 2006, le Miroir d’eau est rapidement devenu un élément incontournable de Bordeaux.
    Plus grand miroir d’eau du monde (3 450 m2), il reflète la place de la bourse, qui constituent tous deux un très bel ensemble.
    Sous la dalle du miroir d’eau se trouve un impressionnant dispositif permettant à la fois la récupération de l’eau et son traitement, permettant ainsi économie et hygiène.
    En réalité, le miroir n’est pas toujours un miroir, puisque des cycles de 15 minutes sont mis en place: d’abord, la dalle est pratiquement sèche et ressemble donc à une immense ardoise; ensuite, de la brume envahit la dalle et le tout ressemble donc à un brouillard intense. Quelques minutes plus tard la brume se dissipe, et c’est au tour de l’eau de faire progressivement son apparition jusqu’à recouvrir totalement la dalle.
    Voilà la magie de ce miroir.
    Je te souhaite une bonne journée ou une bonne nuit, je ne sais plus.
    Bises.

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  6. La vie est ainsi faite que parfois l’on passe à côté de ce qui aurait pu être un bel échange d’idées, de réflexions.
    Je comprends ton regret.
    Passez de bonnes vacances et profitez bien de la mer.
    Bises
    Geneviève

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  7. la vie est pleine de regret mais ce qui fait le plus mal n’est pas ce que l’on a raté mais ce que l’on n’a pas fait , je partage ta peine, cela me fait pareil avec papa, decede sans que j’ai pris la peine de mieux le connaître …trop de rancoeur et au final une peine de ne pas avoir dit je t’aime .
    grosses bises (ma fille part dans deux mois au Canada, son voyage a été retardé car son compagnon a perdu son fils de 20 ans quelques jour avant la bloguinade chez fanfan et gigi)

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  8. Bonjour Pierrette.
    J’espère que vous ne serez pas trop affectés par  » Irène »
    J’avoue que je pense avec un peu d’inquiétude à mes enfants là bas pas très loin de chez toi…..
    Bon dimanche
    Anita.

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  9. J’ai pensé à vous depuis que j’ai entendu qu’IRENE passait en Caroline du nord. Avez-vous abrégé vos vacances ? Vous êtes-vous éloignés à temps ?
    Bises
    Geneviève

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  10. coucou pierrette un soleil magnifiqueici
    avevous passé de bonnes vacances je l’espere les estivants sont partis moins de voiture ce qui me permetta de rouler un peu et d’aller voir la plage
    amities a vous deux
    jacqueline royan charente maritime

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