Votre meilleure amie vous téléphone et, machinalement, vous demande : « Qu’est-ce que tu fais de bon? »
Vous avez envie de rétorquer comme le fait jOHN, le copain de votre mari à qui l’on pose la question : « je ne fais que des anodinités »
Si vous cherchez dans le Larousse, le Robert, le Flammarion ou le Hachette, « anodinité », n’existe pas. Ce mot anodin est une pure invention de l’illustre copain de l’homme de votre vie. À l’entendre mordre dans chacune des syllabes, vous comprenez vite que l’ex-PDG qui a connu ses heures de gloire veut plutôt dire: « je ne fais rien de valable. »
Depuis le premier jour de votre retraite, la parenté, les amis, les voisins, le boulanger, votre garagiste et même le curé de la paroisse ne peuvent vous croiser sans vous poser cette sempiternelle question : « qu’est-ce que tu fais de bon? »
Oseriez-vous répondre que vous vous amusez follement; que vous faites du sport, de la lecture, de la peinture, du bénévolat; que vous êtes le chauffeur désigné de vos petits-enfants; que vos rendez-vous et ceux de votre moitié chez le médecin, le dentiste, l’optométriste, l’acupuncteur et autres spécialistes du genre vous occupent abondamment?
Si l’on vous demandait « qu’est-ce que tu fous dans la vie maintenant que tu ne travailles plus? » au lieu de : « qu’est-ce que tu fais de bon? »
Avouez que ce serait peut-être plus dérangeant! De toute façon, vous n’avez pas envie de cultiver un sentiment de culpabilité et encore moins un complexe d’infériorité.
D’ailleurs, oseriez-vous dire que vous jouez au bridge; que vous participez à des forums de discussions; que vous consacrez des heures à archiver vos milliers de diapos conservées pêle-mêle dans des tiroirs; ou que vous vous égarez dans des recherches infructueuses pour retrouver vos ancêtres lointains ou que vous rédigez vos mémoires.
Surtout, n’allez pas révéler que vous êtes internaute, que vous « chattez » ou que vous êtes blogueuse, on doutera de votre emploi rationnel du temps, de ce temps qui passe et que vous ne voyez pas passer une fois rivée à votre écran.
Le comble, c’est lorsque l’on ajoute « as-tu des projets? » à la question bébête : « qu’est-ce que fais de bon? »
Il y a bien le pèlerinage à Compostelle dont vous rêvez depuis des lunes; le voyage à Dubai que vous planifiez depuis que vous avez vu la piste de ski intérieure, dans Paris Match et sur le Web; la rénovation de votre salle de séjour qui est en train de devenir un cinéma-maison. Peut-on appeler ces activités des projets, quand vous songez aux moindres projets que vous avez réalisés au cours de votre vie active?
Une fois à la retraite, les mots, les expressions ne veulent plus dire tout à fait la même chose. Juste à penser aux mots vacances et travail…
Revenons à la question : « qu’est-ce que tu fais de bon? »
En « roulant » vers votre rendez-vous (l’un de vos conseils d’administration sur lesquels vous êtes administrateur — je n’aime pas administratrice) vous décidez de faire le bilan de votre journée qui a débuté à sept heures. Pourquoi sept heures? Parce que justement, à sept heures, vous déposiez l’homme de votre vie à la bouche de métro (un rendez-vous matinal) lui évitant ainsi les embouteillages et la recherche d’un stationnement au métro et au centre-ville.
Trop tôt pour le banquier qui vous attend à neuf heures, vous profitiez de ces quelques moments de grâce pour retourner vivement à la maison, visiter votre blogue et lire vos messages, concernant votre réception annuelle à la « cabane à sucre. » (70 invités)
Le temps file. Heureusement que vous êtes branchée en permanence et, qu’à tout moment, on vous attrape sur votre cellulaire. (Même lorsque vous êtes sur un autre continent.)
Les transports en commun ramènent l’élu de vos rêves (il vous en a informé sur votre cellulaire évidemment) vous étiez donc là, à temps, pour l’accueillir.
Il est déjà midi. En amoureux et pour gagner du temps, vous choisissiez d’aller chez votre indien préféré manger un succulent curry Madras.
L’incorrigible auteur des anodinités, ajouterait volontiers à votre vocabulaire de retraitée, l’expression « en disponibilité » (couramment utilisée dans le monde de l’enseignement)
Vous êtes « disponible ». À 16 heures, vous vous pointiez à l’école pour cueillir comme une fleur, votre petite-fille adorée, la conduire chez l’orthodontiste, puis à la « clinique voyage » pour ses vaccins (le Pérou l’attend, elle et d’autres élèves de sa classe) et delà, vous reconduisiez le Trésor à la maison.
Dix-huit heures. L’assemblée mensuelle de votre conseil d’administration débutera dans quelques minutes. Heureux de vous retrouver, devinez ce que votre président s’empressera de vous demander après la bise et le « serrement de pinces »
.
« T’as l’air en forme, qu’est-ce que tu fais de bon ces temps-ci? »
Gageons que vous reprendrez votre souffle pour lui murmurer à l’oreille : je ne fais que des anodinités.
6 commentaires sur “« LES ANODINITÉS » DE JOHN”
Les commentaires sont fermés.
Bonjour Pierrette
Tu m’as enchanté avec cette note légère comme un flocon, pleine d’humour et d’amusote, comme on dit chez ma bien aimée quand une conversation fait sourire gentiment.
J’aime bien tordre les mots, les étirer dans tous les sens pour en faire sortir une saveur cachée, et ton anodinité en fait partie.
Mais au delà du frivole, tu ne dois avoir à toi que les instants conquis de haute lutte sur toutes celles (et ceux) qui te croient désoeuvrée, taillable et corvéable à merci.
Surtout avec la trâââlée de famille que tu as. ( Plus la famille est grande, plus on insiste chez nous sur les âââ)
Je termine par la formule ancienne de salutations provençales:
Soyez braves et conservez vous !
Le grillon
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Bonjour Pierrette ,
Comme mon ami Christian , tu m’a enchanté par cette note .J’ai arrêté mes activités d’accompagnateur de randonnées pour personnes ayant des restictions à la pratique de la marche dans un centre social . Chaque fois que je rencontre des adhérents ils ne peuvent s’empêcher de me poser la question de savoir si je m’ennuie .Tu devines ce que je réponds . Maintenant je parlerai de mes anodinités à moins que le mot soit protégé ! Amitié
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Bonjour Pierrette,
Je suis heureuse d’avoir trouvé votre blog.
Il répond en tout point, à ce que j’aime retrouver dans un blog.
Et que dire de ces anodinités?
Je suis conquise par votre humour.
Et derrière ces mots, on retrouve notre réalité à nous, retraité(es).
Au plaisir de vous relire.
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Bien joli les anodinités…j’en ai plein mon quotidien en ce moment….merci pour ton message d’encouragement
Belle journée – AM
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Bonjour Pierrette
Je t’accompagne pour l’indien
ça me fait rire pour l’emploi du temps j’ai l’impression que nous avons le même , surtout pour les petits enfants..
dès que tu es à la retraite , les gens nous enterrent, comme si nous étions plus bon à rien.
je pars tout à l’heure pour la Savoie, faire de la raquette, pendant une semaine.
bonne journée
bisous
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j’AI AIME LES ANODITES BELLES PFOTOS
JACQUELINE
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